Terreur hystérique
En 1231, Conrad de Marbourg, premier inquisiteur d'Allemagne, est nommé par Grégoire IX . Il répandra la terreur jusqu'à son assassinat, en juillet 1233 . La première allusion à un "sabbat" de sorciers apparaît en 1340, dans les procès d'inquisition de Toulouse et de Carcassonne . Le 5 décembre 1484, le pape Innocent VIII publie une bulle contre les sorcières (Summis desiderantes) . Deux ans plus tard, paraît à Strasbourg le terrible Marteau des sorcières (Malleus Maleficarum), oeuvre de deux dominicains, Jacques Sprenger et Henry Institoris, qui va devenir le bréviaire des inquisiteurs .
Dès lors, tout un système se met en place, système hystérique, à base de procès d'intention - qui annonce déjà les campagnes idéologiques des temps modernes . C'est l'idée que le désordre dans le monde est d'essence maléfique . Et les inquisiteurs, à ce propos, ne manquent pas de rappeler que la femme (la "porte du diable", selon Tertullien) est celle par qui l'humanité déchut . Démonisation de la sexualité, répression de la "femme ensorcelante" . Fantasmes .
L'idéologie de la répression
La folie, persécutrice atteint son apogée à partir du milieu du XVI° siècle, spécialement dans les régions catholiques (la palme de la répression revient aux juges alémaniques, lorrains notamment) .
"Une gigantesque croix de feu, écrit Robert Muchembled, pourrait être tracée, de la Scandinavie à la Méditerranée, des îles britaniques à la Pologne, sur l'Europe des XVI et XVII° siècles . Elle serait composée des milliers de bûchers qui furent réellement allumés, en particulier de 1550 à 1650, pout anéantir le corps et le souvenir des sorciers et des sorcières"
Au cours des procès, un accusé sur deux est condamné à mort, puis exécuté (jusqu'à 90% de condamnations à mort au pays de Vaud entre 1537 et 1560) . La sorcellerie étant considérée comme "héréditaire", les exécutions, dans la région de Valenciennes, sont autorisées à partir de l'âge de huit ans .
En 1588, dans plusieurs village de Trêves, on ne trouve plus une seule femme ; elles ont toutes été brûlées vives pour "sorcellerie" . Entre 1576 et 1606, N . Rémy fait condamner au feu 2 à 3000 femmes . Le 20 juillet 1592, une ordonnance de Philippe II d'Espagne met définitivement au point l'idéologie de la répression . Friedrich von Spee écrit en 1631, dans sa Cautio criminalis : " Si nous n'avons pas tous avoué être des sorciers, c'est que nous n'avons pas été torturés..." .
Pour les auteurs rationalistes, l'accusation est dépourvue de tout fondement : c'est l'Inquisition, non les sorciers, qui a inventé la sorcellerie . Telle était, à la fin du siècle dernier, l'opinion d'érudits comme Joseph Hansen et Henry Charles Léa . Elle n'est plus, aujourd'hui, soutenue avec la même assurance : "Nous savons maintenant, écrit Mircea Eliade, que l'Inquisition n'est pas l'inventeur de la sorcellerie . L'Inquisition n'a fait qu'assimiler la sorcellerie à l'hérésie, sur quoi elle a procédé à l'extermination des prétendus sorciers avec la même intolérance qu'elle témoignait à l'endroit des hérétiques"
Les sorcières ont-elles en effet possédé un corps de doctrine ? Ont-elles été conscientes de ce qu'elles représentaient ? Il reste difficile de répondre à ces questions .
