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28 octobre 2010 4 28 /10 /octobre /2010 08:14

 

 

Venise, 12 mai 1834 
 

Non, mon enfant cheri
Ces trois lettres ne sont pas
Le dernier serment de main de l'amante qui te quitte
C'est l'embrassement du frere qui te reste
Ce sentiment-là est trop beau, trop pur et trop doux
Pour que j'eprouve jamais le besoin d'en finir avec lui
Que mon souvenir n'empoisonne aucune des jouissances de ta vie
Mais ne laisse pas ces jouissances detruire et mepriser mon souvenir
Sois heureux, sois aime, comment ne le serais-tu pas?
Mais garde-moi dans un petit coin secret de ton coeur
Et descends-y dans tes jours de tristesse
Pour y trouver une consolation ou un encouragement
 

 

Aime donc, mon Alfred, aime pour tout de bon.
Aime une femme jeune, belle, et qui n'ait pas encore aimée,
Ménage-la, et ne la fais pas souffrir.
Le coeur d'une femme est une chose si délicate
quand ce n'est pas un glaçon ou une pierre !
Je crois qu'il n'y a guère de milieu
et il n'y en a pas non plus
dans ta manière d'aimer.
Ton âme est faite pour aimer ardemment,
ou pour se dessécher tout à fait.

Tu l'as dit cent fois, et tu as eu beau t'en dédire
rien, rien n'a effacé cette sentence-là,
il n'y a au monde que l'amour qui soit quelque chose.

Peut-être m'as-tu aimée avec peine,
pour aimer une autre avec abandon.
Peut-être celle qui viendra t'aimera-t-elle moins que moi,
et peut-être sera-t-elle plus heureuse
et plus aimée.

Peut-être ton dernier amour sera-t-il le plus romanesque et le plus jeune.
Mais ton coeur, mais ton bon coeur, ne le tue pas, je t'en prie.
Qu'il se mette tout entier
dans toutes les amours de ta vie,
afin qu'un jour tu puisses regarder en arrière
et dire comme moi, j'ai souffert souvent,
je me suis trompée quelquefois
mais j'ai aimé.

 

Paroles de George Sand à Alfred de Musset

 

Alfred de Musset

 

Lettre d'Alfred de Musset à George Sand (Juillet 1833.)

Mon cher George, j’ai quelque chose de bête et de ridicule à vous dire. Je vous l’écris sottement au lieu de vous l’avoir dit, je ne sais pourquoi, en rentrant de cette promenade. J’en serai désolé, ce soir. Vous allez me rire au nez, me prendre pour un faiseur de phrases dans tous mes rapports avec vous jusqu’ici. Vous me mettrez à la porte et vous croirez que je mens.

Je suis amoureux de vous. Je le suis depuis le premier jour où j’ai été chez vous. J’ai cru que je m’en guérirais tout simplement en vous voyant à titre d’ami. Il y a beaucoup de choses dans votre caractère qui pouvaient m’en guérir ; j’ai tâché de me le persuader tant que j’ai pu ; mais je paye trop cher les moments que je passe avec vous. J’aime mieux vous le dire et j’ai bien fait, parce que je souffrirai bien moins pour m’en gué­rir à présent si vous me fermez votre porte. Cette nuit, pendant que [ces deux derniers mots ont été biffés à la plume par G. Sand, et la ligne suivante coupée aux ciseaux] ...
j’avais résolu de vous faire dire que j’étais à la campagne, mais je ne veux pas vous faire de mystères ni avoir l’air de me brouiller sans sujet. Maintenant, George, vous allez dire encore un qui va m’ennuyer ! comme vous dites ; si je ne suis pas tout à fait le premier venu pour vous, dites-moi, comme vous me l’auriez dit hier en me parlant d’un autre, ce qu’il faut que je fasse. Mais, je vous en prie, si vous voulez me dire que vous doutez de ce que je vous écris, ne me répondez plutôt pas du tout.

Je sais comme vous pensez de moi, et je n’espère rien en vous disant cela. Je ne puis qu’y perdre une amie et les seules heures agréables que j’ai passées depuis un mois. Mais je sais que vous êtes bonne, que vous avez aimé, et je me confie à vous, non pas comme à une maîtresse, mais comme à un camarade franc et loyal.

George, je suis un fou de me priver du plaisir de vous voir pendant le peu de temps que vous avez encore à passer à Paris, avant votre voyage à la campagne et votre départ pour l’Italie où nous aurions passé de si belles nuits, si j’avais de la force. Mais la vérité est que je souffre et que la force me manque.
 

 

Portrait de George Sand par Auguste Charpentier (1835) coll. Musée de la Vie romantique, Paris

 

Musset à G.Sand
Quand je mets à vos pieds un éternel hommage
Voulez-vous qu'un instant je change de visage ?
Vous avez capturé les sentiments d'un coeur
Que pour vous adorer forma le Créateur.
Je vous chéris, amour, et ma plume en délire
Couche sur le papier ce que je n'ose dire.
Avec soin mes vers lisez les premiers mots:
Vous saurez quel remède apporter à mes maux.

réponse de G.Sand à Musset
Cette insigne faveur que votre coeur réclame
Nuit à ma renommée et répugne à mon âme

**Elle et lui****

 

 Le jeune Alfred de Musset fut de six ans son cadet. Leur relation, houleuse, passionnée, agrémentée de trahisons (le fameux séjour à Venise où Musset courut les grisettes pendant que George Sand était malade et où George Sand guérie trompa Musset, malade à son tour, avec son médecin Pietro Pagello) et de ruptures, donna lieu à une intense correspondance qui compte des lettres d'amour parmi les plus belles de la langue française. Après la mort d'Alfred de Musset, George Sand fit paraître Elle et lui, qui racontait leur histoire. Choqué par le rôle que Sand faisait jouer à son frère, Paul de Musset répondit par Lui et elle - et Louise Colet, qui avait eu une liaison avec Musset, renchérit par un Lui.

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commentaires

P
<br /> Quel couple de nos jours pourrait encore échanger une pareille correspondance ???<br /> <br /> <br />
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A
<br /> Que ce soit coquin ou romantique en voilà deux qui avaient les mots pour le dire ! Belle évocation de ces deux grands écrivains..<br /> Aralf<br /> http://les-jardins-d-aralf.over-blog.fr/<br /> <br /> <br />
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F
<br /> Merci pour cet agréable moment que vous nous avez fait passé avec eux...<br /> <br /> <br />
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